|
XIII
J'ai vu, ces jours passés, une chose hideuse. Il était à peine
jour, et la prison était pleine de bruit. On entendait ouvrir
et fermer les lourdes portes, grincer les verrous et les cadenas
de fer, carillonner les trousseaux de clefs entrechoqués à la
ceinture des geôliers, trembler les escaliers du haut en
bas sous des pas précipités, et des voix s'appeler
et se répondre des deux bouts des longs corridors. Mes voisins
de cachot, les forçats en punition, étaient
plus gais qu'à l'ordinaire. |
Tout Bicêtre semblait
rire, chanter, courir, danser. Moi, seul muet dans ce vacarme,
seul immobile dans ce tumulte, étonné et attentif, j'écoutais. Un geôlier
passa. Je me hasardai à l'appeler et à lui demander
si c'était fête dans la prison. -Fête si l'on veut! me répondit-il. C'est
aujourd'hui qu'on ferre les forçats qui doivent partir demain pour Toulon. |
Voulez-vous
voir, cela vous amusera. C'était en effet, pour un reclus
solitaire, une bonne fortune qu'un spectacle, si odieux qu'il fût. J'acceptai l'amusement. Le
guichetier prit les précautions d'usage pour s'assurer de
moi, puis me conduisit dans une petite cellule vide, et absolument
démeublée, qui avait une fenêtre grillée, mais une véritable
fenêtre à hauteur d'appui, et à travers laquelle
on apercevait réellement le ciel. - |
Tenez, me dit-il, d'ici
vous verrez et vous entendrez. Vous serez seul dans votre loge, comme le roi. Puis il sortit et referma sur moi
serrures, cadenas et verrous. La fenêtre donnait sur une
cour carrée assez vaste, et autour de laquelle s'élevait des quatre côtés, comme
une muraille, un grand bâtiment de pierre de taille à six étages.
|
Rien de plus dégradé, de plus nu, de plus misérable à l'oeil
que cette quadruple façade percée d'une multitude
de fenêtres grillées auxquelles se tenaient collés,
du bas en haut, une foule de visages maigres et blêmes, pressés
les uns audessus des autres, comme les pierres d'un mur, et tous
pour ainsi dire encadrés dans les entre-croisements des
barreaux de fer. |
C'étaient les prisonniers, spectateurs
de la cérémonie en attendant leur jour d'être
acteurs. On eût dit des âmes en peine aux soupiraux
du purgatoire qui donnent sur l'enfer. | Tous regardaient en silence la cour vide encore.
Ils attendaient. Parmi ces figures éteintes et mornes, çà et
là brillaient quelques yeux perçants et vifs comme
des points de feu. |
Le carré de prisons qui enveloppe la cour ne se referme
pas sur luimême. Un des quatre pans de l'édifice (celui
qui regarde le levant) est coupé vers son milieu, et ne
se rattache au pan voisin que par une grille de fer. Cette grille
s'ouvre sur une seconde cour, plus petite que la première,
et, comme elle, bloquée de murs et de pignons noirâtres. |
Tout autour de la cour principale, des bancs de pierre s'adossent à la
muraille. Au milieu se dresse une tige de fer courbée, destinée à porter
une lanterne. |
Midi sonna. Une grande porte cochère, cachée sous
un enfoncement, s'ouvrit brusquement. Une charrette, escortée
d'espèces de soldats sales et honteux, en uniformes bleus, à épaulettes
rouges et à bandoulières jaunes, entra lourdement
dans la cour avec un bruit de ferraille. C'était la chiourme
et les chaînes. |
Au même instant, comme si ce bruit réveillait tout
le bruit de la prison, les spectateurs des fenêtres, jusqu'alors
silencieux et immobiles, éclatèrent en cris de joie,
en chansons, en menaces, en imprécations mêlées
d'éclats de rire poignants à entendre. On eût
cru voir des masques de démons. Sur chaque visage parut
une grimace, tous les poings sortirent des barreaux, toutes les
voix hurlèrent, tous les yeux flamboyèrent, et je
fus épouvanté de voir tant d'étincelles reparaître
dans cette cendre. |
Cependant les argousins, parmi lesquels on distinguait, à leurs
vêtements propres et à leur effroi, quelques curieux
venus de Paris, les argousins se mirent tranquillement à leur
besogne. L'un d'eux monta sur la charrette, et jeta à ses
camarades les chaînes, les colliers de voyage, et les liasses
de pantalons de toile. |
Alors ils se dépecèrent le
travail ; les uns allèrent étendre dans un coin de
la cour les longues chaînes qu'ils nommaient dans leur argot
les ficelles ; les autres déployèrent sur le pavé les
taffetas, les chemises et les pantalons ; tandis que les plus sagaces
examinaient un à un, sous l'oeil de leur capitaine, petit
vieillard trapu, les carcans de fer, qu'ils éprouvaient
ensuite en les faisant étinceler sur le pavé. |
Le
tout aux acclamations railleuses des prisonniers, dont la voix
n'était dominée que par les rires bruyants des forçats
pour qui cela se préparait, et qu'on voyait relégués
aux croisées de la vieille prison qui donne sur la petite
cour. |
Quand ces apprêts furent terminés, un monsieur brodé en
argent, qu'on appelait monsieur l'inspecteur, donna un ordre au
directeur de la prison ; et un moment après, voilà que
deux ou trois portes basses vomirent presque en même temps,
et comme par bouffées, dans la cour, des nuées d'hommes
hideux, hurlants et déguenillés. C'étaient
les forçats. |
À leur entrée, redoublement de joie aux fenêtres.
Quelques-uns d'entre eux, les grands noms du bagne, furent salués
d'acclamations et d'applaudissements qu'ils recevaient avec une
sorte de modestie fière. La plupart avaient des espèces
de chapeaux tressés de leurs propres mains avec la paille
du cachot, et toujours d'une forme étrange, afin que dans
les villes où l'on passerait le chapeau fît remarquer
la tête. |
Ceux-là étaient plus applaudis encore.
Un, surtout, excita des transports d'enthousiasme ; un jeune homme
de dix-sept ans, qui avait un visage de jeune fille. Il sortait
du cachot, où il était au secret depuis huit jours
; de sa botte de paille il s'était fait un vêtement
qui l'enveloppait de la tête aux pieds, et il entra dans
la cour en faisant la roue sur lui-même avec l'agilité d'un
serpent. |
C'était un baladin condamné pour vol. Il
y eut une rage de battements de mains et de cris de joie. Les galériens
y répondaient, et c'était une chose effrayante que
cet échange de gaietés entre les forçats en
titre et les forçats aspirants. |
La société avait
beau être là, représentée par les geôliers
et les curieux épouvantés, le crime la narguait en
face, et de ce châtiment horrible faisait une fête
de famille. |
À mesure qu'ils arrivaient, on les poussait, entre deux
haies de gardeschiourme, dans la petite cour grillée, où la
visite des médecins les attendait. C'est là que tous
tentaient un dernier effort pour éviter le voyage, alléguant
quelque excuse de santé, les yeux malades, la jambe boiteuse,
la main mutilée. Mais presque toujours on les trouvait bons
pour le bagne ; et alors chacun se résignait avec insouciance,
oubliant en peu de minutes sa prétendue infirmité de
toute la vie. |
La grille de la petite cour se rouvrit. Un gardien fit l'appel
par ordre alphabétique ; et alors ils sortirent un à un,
et chaque forçat s'alla ranger debout dans un coin de la
grande cour, près d'un compagnon donné par le hasard
de sa lettre initiale. Ainsi chacun se voit réduit à lui-même
; chacun porte sa chaîne pour soi, côte à côte
avec un inconnu ; et si par hasard un forçat a un ami, la
chaîne l'en sépare. Dernière des misères! |
Quand il y en eut à peu près une trentaine de sortis,
on referma la grille. Un argousin les aligna avec son bâton,
jeta devant chacun d'eux une chemise, une veste et un pantalon
de grosse toile, puis fit un signe, et tous commencèrent à se déshabiller. Un
incident inattendu vint, comme à point nommé, changer cette humiliation en
torture. |
Jusqu'alors le temps avait été assez beau,
et, si la bise d'octobre refroidissait l'air, de temps en temps
aussi elle ouvrait çà et là dans les brumes
grises du ciel une crevasse par où tombait un rayon de soleil.
Mais à peine les forçats se furent-ils dépouillés
de leurs haillons de prison, au moment où ils s'offraient
nus et debout à la visite soupçonneuse des gardiens,
et aux regards curieux des étrangers qui tournaient autour
d'eux pour examiner leurs épaules, le ciel devint noir,
une froide averse d'automne éclata brusquement, et se déchargea à torrents
dans la cour carrée, sur les têtes découvertes,
sur les membres nus des galériens, sur leurs misérables
sayons étalés sur le pavé. |
En un clin d'oeil le préau se vida de tout ce qui n'était
pas argousin ou galérien. Les curieux de Paris allèrent
s'abriter sous les auvents des portes.
Cependant la pluie tombait à flots. On ne voyait plus dans
la cour que les forçats nus et ruisselants sur le pavé noyé.
|
Un silence morne avait succédé à leurs bruyantes
bravades. Ils grelottaient, leurs dents claquaient ; leurs jambes
maigries, leurs genoux noueux s'entrechoquaient ; et c'était
pitié de les voir appliquer sur leurs membres bleus ces
chemises trempées, ces vestes, ces pantalons dégouttant
de pluie. La nudité eût été meilleure. |
Un seul, un vieux, avait conservé quelque gaieté.
Il s'écria, en s'essuyant avec sa chemise mouillée,
que cela n'était pas dans le programme ; puis se prit à rire
en montrant le poing au ciel. |
Quand ils eurent revêtu les habits de route, on les mena
par bandes de vingt ou trente à l'autre coin du préau,
où les cordons allongés à terre les attendaient.
Ces cordons sont de longues et fortes chaînes coupées
transversalement de deux en deux pieds par d'autres chaînes
plus courtes, à l'extrémité desquelles se
rattache un carcan carré, qui s'ouvre au moyen d'une charnière
pratiquée à l'un des angles et se ferme à l'angle
opposé par un boulon de fer, rivé pour tout le voyage
sur le cou du galérien. Quand ces cordons sont développés à terre,
ils figurent assez bien la grande arête d'un poisson. |
On fit asseoir les galériens dans la boue, sur les pavés
inondés ; on leur essaya les colliers ; puis deux forgerons
de la chiourme, armés d'enclumes portatives, les leur rivèrent à froid à grands
coups de masses de fer. C'est un moment affreux, où les
plus hardis pâlissent. Chaque coup de marteau, assené sur
l'enclume appuyée à leur dos, fait
rebondir le menton du patient ; le moindre mouvement d'avant en arrière lui ferait sauter le crâne comme une coquille
de noix. |
Après cette opération, ils devinrent sombres.
On n'entendait plus que le grelottement des chaînes, et par
intervalles un cri et le bruit sourd du bâton des gardes-chiourme
sur les membres des récalcitrants. Il y en eut qui pleurèrent
; les vieux frissonnaient et se mordaient les lèvres. Je
regardai avec terreur tous ces profils sinistres dans leurs cadres
de fer.
Ainsi, après la visite des médecins, la visite des
geôliers ; après la visite des geôliers, le ferrage.
Trois actes à ce
spectacle. |
Un rayon de soleil reparut. On eût dit qu'il mettait
le feu à tous ces cerveaux. Les forçats se levèrent à la
fois, comme par un mouvement convulsif. Les cinq cordons se rattachèrent
par les mains, et tout à coup se formèrent en ronde
immense autour de la branche de la lanterne. |
Ils tournaient à fatiguer
les yeux. Ils chantaient une chanson du bagne, une romance d'argot,
sur un air tantôt plaintif, tantôt furieux et gai ;
on entendait par intervalles des cris grêles, des éclats
de rire déchirés et haletants se mêler aux
mystérieuses paroles ; puis des acclamations furibondes
; et les chaînes qui s'entre-choquaient en cadence servaient
d'orchestre à ce chant plus rauque que leur bruit. Si je
cherchais une image du sabbat, je ne la voudrais ni meilleure ni
pire. |
On apporta dans le préau un large baquet. Les gardes-chiourme
rompirent la danse des forçats à coups de bâton,
et les conduisirent à ce baquet dans lequel on voyait nager
je ne sais quelles herbes dans je ne sais quel liquide fumant et
sale. Ils mangèrent. |
Puis, ayant mangé, ils jetèrent sur le pavé ce
qui restait de leur soupe et de leur pain bis, et se remirent à danser
et à chanter. Il paraît qu'on leur laisse cette liberté le
jour du ferrage et la nuit qui le suit. |
J'observais ce spectacle étrange avec une curiosité si
avide, si palpitante, si attentive, que je m'étais oublié moi-même.
Un profond sentiment de pitié me remuait jusqu'aux entrailles,
et leurs rires me faisaient pleurer. |
Tout à coup, à travers la rêverie profonde
où j'étais tombé, je vis la ronde hurlante
s'arrêter et se taire. Puis tous les yeux se tournèrent
vers la fenêtre que j'occupais. -Le condamné! le
condamné! crièrentils tous en me montrant du doigt
; et les explosions de joie redoublèrent. |
Je restai pétrifié. J'ignore d'où ils me connaissaient
et comment ils m'avaient reconnu. -Bonjour! bonsoir! me crièrent-ils avec leur ricanement
atroce. Un des plus jeunes, condamné aux galères
perpétuelles, face luisante et plombée, me regarda
d'un air d'envie en disant : -Il est heureux! il sera rogné!
Adieu, camarade! |
Je ne puis dire ce qui se passait en moi. J'étais leur camarade
en effet. La Grève est soeur de Toulon. J'étais même
placé plus bas qu'eux ; ils me faisaient honneur. Je frissonnai. Oui, leur camarade! Et quelques jours plus tard, j'aurais pu aussi,
moi,
être un spectacle pour eux. |
J'étais demeuré à la
fenêtre, immobile, perclus, paralysé. Mais quand je
vis les cinq cordons s'avancer, se ruer vers moi avec des paroles
d'une infernale cordialité ; quand j'entendis le tumultueux
fracas de leurs chaînes, de leurs clameurs, de leurs pas,
au pied du mur, il me sembla que cette nuée de démons
escaladait ma misérable cellule ; je poussai un cri, je
me jetai sur la porte d'une violence à la briser ; mais
pas moyen de fuir. |
Les verrous étaient tirés en dehors.
Je heurtai, j'appelai avec rage. Puis il me sembla entendre de
plus près encore les effrayantes voix des forçats.
Je crus voir leurs têtes hideuses paraître déjà au
bord de ma fenêtre, je poussai un second cri d'angoisse,
et je tombai évanoui. |
|
|
XIII Ich habe vor einigen Tagen etwas Schreckliches gesehen. Der Tag
war kaum angebrochen, da war das Gefängnis schon von Lärm
erfüllt. Man hörte wie schwere Türen sich öffneten
und schlossen, hörte Riegel knarren und die Eisenketten, die
Schlüsselbunde klingeln, die am Gürtel der Gefängniswärter
aufeinanderstießen, hörte wie die Treppen von oben nach
unten unter den hastenden Schritten erzitterten, Stimmen die sich
von beiden Enden der lange Korridore riefen und antworteten. Meine
Kerkernachbarn, die Galeerensträflinge, waren fröhlicher
als normalweise. |
Ganz Bicêtre schien zu lachen, zu singen
und zu tanzen.
Ich, der einzig Stille in diesem ganzen Krach, der einzige Unbewegliche in
diesem Tumult, erstaunt und aufmerksam, hörte zu.
Ein Gefängniswärter kam vorüber. Ich erdreistete mich ihn zu
rufen und ihn zu fragen, ob es ein Fest im Gefängnis gäbe. „Wenn
man so will, eine Feier“, antwortete er mir. Heute schmiedet man die
Sträflinge zusammen, die morgen nach Toulon aufbrechen müssen. |
Wollen
Sie zuschauen, das wird sie amüsieren“. In der Tat, für einen
einsamen Häftling, war dieses Spektakel ein Glück, so abstoßend
es auch sein mag. Ich akzeptierte das Schauspiel. Der Gefängniswärter traf die üblichen Sicherheitsmaßnahmen
um sich meiner zu versichern und brachte mich dann in eine kleine, leere ,
völlig unmöblierte Zelle, welche ein vergittertes, aber richtiges
Fenster besaß, auf Schulterhöhe und durch das man tatsächlich
den Himmel sehen konnte. |
„Hier ist es“, sagte er, von hier aus werden sie alles sehen und
alles hören. Sie werden in ihrer Loge alleine sein wie der König. Dann
ging er hinaus und schloss hinter mir Schloss, Ketten und Riegel. Das Fenster blickte auf einen viereckigen, ziemlich großen Hof, der von
allen vier Seiten, wie eine Wand, von einem großen, sechsstöckigen
Gebäude aus Stein umfasst war. |
Es gibt nichts Eintönigeres, Nackteres,
für das Auge Erbärmlicheres als diese, von einer Menge vergitterter
Fenster , in denen , von oben nach unten aneinander gequetscht wie die Steine
der Mauer und eingerahmt, wenn man so sagen darf, in die Verstrebungen der
Eisenstäbe, eine Menge magerer und blasser Gesichter hing, unterbrochenen
vierfachen Fassade. |
Das waren die Gefangenen, Zuschauer der Zeremonie, die
darauf warteten, selbst eines Tages Akteure zu werden. Man könnte sagen
büßende Seelen, nach der Läuterung lechzend, die in die Hölle
führt. |
Alle betrachteten den noch leeren Hof. Sie warteten. Unter den erlöschten
und trübseligen Figuren, leuchteten hier und da einige durchdringende
Augen, lebendig wie Flamenzungen. |
Das Viereck, das das Gefängnis formt und den Hof umfasst ist nicht vollkommen
abgeschlossen. Eine der vier Mauern des Gebäudes, das dem Osten zugeneigte,
ist in der Mitte durchbrochen, und ist mit seinem Nachbarn nur über ein
Eisengitter verbunden. Dieses Gitter führt in einen zweiten Hof, kleiner
als der erste, und, wie dieser, von Mauern und schwarzen Giebeln verriegelt. |
Über
den ganzen Haupthof hinweg, lehnen sich Bänke aus Stein an die Mauern.
In der Mitte befindet sich eine Eisenstange, dazu bestimmt, eine Laterne zu
tragen. |
Es schlug Mittag. Die Tür einer Einfahrt, die hinter einer Einbuchtung
verborgen war, öffnete sich plötzlich. Ein Karren, eskortiert von
einer Art schmutziger und erbärmlicher Soldaten, in blauen Uniformen,
mit roten Epauletten und gelben Schulterriemen, betrat schwerfällig den
Hof mit einem Krach, wie ihn Schrott hervorruft. Das waren die Galeerensträflinge
und die Ketten. |
Im gleichen Augenblick, ganz so als ob dieser Lärm den Lärm des Gefängnisses
hätte erwachen lassen, begannen die Zuschauer an den Fenstern, die bislang
schweigend und unbeweglich gewesen waren, in Freudenschreie auszubrechen, Lieder
zu singen, Drohungen auszustoßen, Flüche gemischt mit Gelächter,
das einem durch Mark und Bein ging. Man vermeinte die Masken der Dämonen
zu sehen. Auf jedem Gesicht erschien eine Grimasse, alle Fäuste drangen
durch die Gitter, alle Stimmen schrieen, alle Augen blitzten und ich war entsetzt,
soviele Funken aus dieser Asche aufleuchten zu sehen. |
Währenddessen machten sich die Polizisten, unter denen man, aufgrund ihrer
sauberen Kleidung und ihrer Angst, auch einige Neugierige aus Paris ausmachen
konnte, in aller Ruhe an die Arbeit. Einer von ihnen bestieg den Karren und
warf seinen Kameraden die Kette zu, die Halskette für die Reise und die
Hosenbündel aus Tuch. Sie teilten sich die Arbeit also auf. |
Die einen
begannen in einer Ecke des Hofes die langen Ketten auszubreiten, die sie in
ihrer Sprache „Fäden“ nannten. Die anderen legten auf dem
Boden die „Taffetas“ aus, die Hemden und die Hosen. Die erfahrensten
untersuchten, einen nach dem anderen, unter den Augen ihres Kapitäns,
eines alten kleinen und untersetzten Mannes, die Halseisen, die sie dann testeten,
indem sie sie auf dem Pflaster funkeln ließen. |
Das alles unter dem entzückten
Beifall der Gefangenen, die nur von dem lärmenden Gelächter der Galeerensträflinge,
für die man all das vorbereitete, überlagert wurde, und die man an
das Gatter des alten Gefängnisses verbannt hatte, das in den kleinen Hof
führte. |
Als diese Vorbereitungen erledigt waren, gab ein Mann, dessen Kleidung mit
Stickereien aus Silber verziert waren, dem Direktor des Gefängnisses eine
Anweisung und nur einen Moment später spuckten zwei oder drei niedrige
Türen gleichzeitig, ganz so als ob es Dampfwolken wären, Wolken von
häßlichen, schreienden und verlumpten Männer in den Hof. Das
waren die Galeerensklaven. |
Bei ihrem Eintritt verdoppelte sich die Freude an den Fenstern.
Manche von ihnen, die im Gefängnis bekannten Namen, wurden mit Akklamationen
und Beifall empfangen, die sie mit einer Art bescheidenem Stolz zur Kenntnis
nahmen. Die meisten von Ihnen hatten eine Art Hut, jeder eigenartig geformt,
damit man in den Städten, die sie durchfuhren aufgrund des Hutes den Kopf
erkennen möge, geflochten mit ihren eigenen Händen aus dem Stroh
des Kerkers. |
Diese erhielten noch mehr Beifall. Einer vor allem rief Begeisterungsstürme
hervor. Ein junger Mann von 17 Jahren, mit dem Gesicht eines jungen Mädchens.
Er verließ den Kerker, wo er sich seit acht Tagen versteckt gehalten
hatte. Aus seinem Büschel Stroh hatte er sich ein Kostüm gemacht,
das ihn von Kopf bis Fuß bedeckte und er betrat den Hof indem er, mit
der Wendigkeit einer Schlange, ein Rad schlug. |
Es war ein Possenreißer,
der wegen Diebstahl verurteilt worden war. Tosender Beifall setzte ein und
Freudenschreie, auf die die Galeerensträflinge antworteten. Dieser Austausch
an Fröhlichkeit zwischen den jetzigen Galeerenhäftlingen und den
zukünftigen Galeerenhäftlingen war schrecklich. |
Die Anwesenheit der
Gesellschaft, repräsentiert durch die Gefängniswärter und die
entsetzten Neugierigen, war unerheblich, das Verbrechen verhöhnte sie
und machte aus dieser schrecklichen Strafe eine Familienfeier. |
Sobald sie eintraten, stieß man sie zwischen zwei Reihen von Wachleuten,
in den kleinen umzäunten Hof, wo sie ärztlich untersucht wurden.
Alle versuchten dort die letzte Chance, die sich ihnen bot um die Reise zu
verhindern, zu nutzen, indem sie alle möglichen gesundheitlichen Gründe
vortrugen, die kranken Augen, das hinkende Bein, die verstümmelte Hand.
Aber fast immer wurden sie als für die Strafkolonie geeignet befunden.
Dann ergab sich jeder sorglos in sein Schicksal, vergaß nach wenigen
Minuten die behauptete Behinderung, mit der er schon ein ganzes Leben gelebt
hatte. |
Das Gitter des kleinen Hofes öffnete sich wieder. Ein Wachmann rief in
alphabetischer Reihenfolge zum Appell. Und dann marschierten sie einer nach
dem anderen hinaus, und jeder Sträfling reihte sich aufrecht ein in einer
Stelle des großen Platzes, neben einem Kumpanen, der ihm zufällig,
nach Maßgabe seines Anfangsbuchstabens, beigesellt war. So war jeder
auf sich alleine gestellt. Jeder trug seine Kette für sich, Seite an Seite
mit einem Unbekannten und wenn doch ein Sträfling neben einem Freund stand,
so trennte sie die Kette. Die letzte Steigerung des Elends! |
Als etwa dreißig hinausgegangen waren, schloss man das Gitter wieder.
Ein Polizist positionierte sie mit seinem Stock, warf vor jeden von ihnen eine
Weste und eine Hose aus groben Tuch, machte ein Zeichen, worauf alle sich auszogen.
Plötzlich gabe einen Zwischenfall, der, kaum dass sie genannt wurde, diese
Erniedrigung zur Qual werden ließ. |
Bis jetzt war das Wetter ziemlich gut gewesen, und, auch wenn der im Oktober
auftretende Nordwind die Luft manchmal abkühlte, so öffnete sie doch
hier und da im grauen Dunst des Himmels eine Spalte durch die ein Sonnenstrahl
herunterfiel. Aber kaum hatten die Sträflinge sich ausgezogen, hatten
sich ihrer Gefängnislumpen entledigt, in dem Moment, als sie nackt und
aufrecht der misstrauischen Inspektion durch die Wärter harrten, und den
Blicken der neugierigen Fremden, die um sie herum liefen um ihre Schultern
zu betrachten, ausgeliefert, wurde der Himmel schwarz, setzte eine kalter Oktoberschauer
ein und entleerte sich in einem Sturzbach in dem quadratischen Hof, über
den entblößten Köpfen, über den entblößten
Gliedern der Sträflinge, ihrer elenden , auf dem Pflaster ausgebreiten
Tracht. |
Schnell wie ein Augenblinzeln war der Hof leergefegt von allem was nicht Polizist
oder Sträfling war. Die Neugierigen aus Paris suchten Schutz unter den
Vordächern der Tore. Unterdessen goss es in Strömen. Man sah im ganzen Hof nur
noch die nackten und tropfnassen Sträflinge auf dem feuchten
Pflaster. |
Eine trübselige Stille war ihren lärmenden
Angebereien gefolgt. Sie schlotterten, ihre Zähne klapperten,
ihre mageren Beine, ihre knochigen Knie schlugen aufeinander. Es
erregte Mitleid, wenn man sah, wie sie ihre blauen Gliedmaßen
mit den durchnässten Hemden, diesen Westen und diesen vom
Regen tropfenden Hosen bedeckten. Ganz nackt wäre es besser
gewesen. |
Nur ein einziger, ein Alter, hatte sich noch eine gewisse Fröhlichkeit
bewahrt. Er schrie, während er versuchte sich mit dem nassen
Hemd abzutrocknen, „aber das war nicht im Programm“.
Lachte laut auf und zeigte mit der Faust gen Himmel. |
Als sie die Marschkleidung anhatten, führte man sie in Gruppen zu zwanzig
oder dreißig auf die andere Seite des Hofes, wo die auf der Erde ausgebreitet
Schnur auf sie wartete. Diese Schnüre sind lange und starke Ketten, die
längs bis zur Hälfte von zwei kürzeren Ketten durchquert werden
und an deren Ende man jeweils eine viereckiges Fußeisen anbringt, das
sich mit Hilfe eines Scharniers, der sich im Winkel befindet geöffnet
und durch einen gegenüberliegenden Scharnier mittels eines genieteten
Eisenbolzens für die gesamte Dauer der Reise um den Hals des Sträflings
geschlossen wird. Sind diese Schnüre auf dem Boden ausgebreitet, ähneln
sie stark dem Rückgrat eines Fisches. |
Die Sträflinge wurden aufgefordert, sich zu setzen, in den
Schlamm, auf die durchnässten Steine. Man legte ihnen probeweise
die Halsketten an. Dann wurden sie von zwei Schmieden des Strafbataillons
mit tragbaren Ambossen kaltblütig mit mächtigen Hammerschlägen
vernietet. Ein schrecklicher Moment war dies, bei dem auch noch
die Kühnsten erblassten. Jeder Schlag des schweren Hammers
auf den Amboss, der an ihrem Rücken lehnte, erschütterte
das Kinn des Patienten. Die geringste Bewegung vorwärts oder
rückwärts hätte ihm den Schädel zertrümmert
wie eine Nussschale. |
Nach dieser Operation wurden sie trübselig. Man hörte nichts mehr
außer dem vibrieren der Ketten, und von Zeit zu Zeit einen Schrei und
das stumpfe Geräusch des Stabes eine Wachmanns der Strafkolonie, der auf
die Gliedmaßen eines Widerspenstigen traf. Einige weinten. Die Alten
zitterten und bissen sich auf die Lippen. Erschaudernd betrachtete ich die
unheilversprechenden Profile in ihrer Krause aus Eisen. So geschah es. Nach dem Besuch der Ärzte, der Besuch der Wachleute. Nach
dem Besuch der Wachleute, die Verarbeitung des Eisens. Drei Akte eines Schauspieles. |
Ein Sonnenstrahl durchbrach die Wolken. Man hätte sagen können, dass
er all diese Gehirne entflammte. Gleichzeitig erhoben sich die Sträflinge,
wie in einer Zuckung. Die fünf Schnüre nahmen sich an der Hand und
formten auf einmal einen Kreis um den Laternenpfahl herum. |
Drehten sich, dass
die Augen kaum folgen konnten. Sangen ein Gefängnislied, eine Romanze
in Slang, in einer einmal wehmütigen, dann wütenden, dann wieder
lustigen Tonlage. Von Zeit zu Zeit hörte man einen piepsigen Schrei, den
Ausbruch eines geborstenen und röchelnden Gelächters das sich mit
mysteriösen Wörtern vermischte, dann wieder wütende Akklamationen,
wobei die Ketten die rhythmisch gegeneinander schlugen diesem Gesang, noch
rauer als ihr Lärm, als Orchester diente. Suchte ich ein Bild des Hexensabbats,
wollte ich es weder besser noch schlechter. |
Man stellte einen Kübel in den Hof. Die Wächter der Galeerensträflinge
unterbrachen den Tanz der Sträflinge mit Stockschlägen und führten
sie zu dem Kübel, in dem man irgendwelches Gras schwimmen in irgendeiner
dampfenden und dreckigen Brühe schwimmen sah. Sie aßen. |
Dann, nachdem sie gegessen hatten, warfen sie die Reste ihrer Suppe und ihres
grauen Brotes auf das Pflaster und begannen wieder zu tanzen und zu singen.
Es schien, als ob man ihnen am Tag nach dem Zusammenschluss und in der darauf
folgenden Nacht diese Freiheit lassen wollte. |
Ich beobachtete dieses merkwürdige Schauspiel mit einer so gierigen, erregten,
aufmerksamen Neugierde, dass ich mich selbst vergaß. Ein tiefes Mitgefühl
rührte alle meine Organe, und ihr Gelächter ließ mir die Tränen
in die Augen treten. |
Plötzlich, noch versunken in dem tiefen Traum der mich umschlungen hielt,
sah ich, wie die schreiende Runde innehielt und verstummte. Dann richteten
sich alle Augen auf das Fenster, in dem ich stand. „Der Verurteilte!
Der Verurteilte!“ schrieen sie alle, mit dem Finger auf mich zeigend
und die Heftigkeit des Freudentaumels verdoppelte sich. |
Ich war wie versteinert. Ich weiß nicht, woher sie mich kannten und wie sie mich erkannt hatten. „Guten Tag! Gute Nacht!“ riefen sie mir mit ihrem schrecklichen Grinsen
zu. Einer der Jüngsten, auf Lebenszeit dazu verurteilt auf der Galerie zu
dienen, mit glänzendem und bleifarbenen Gesicht, starrte mich neiderfüllt
an und sagte: Der ist glücklich! Er wird über die Wupper gehen! Tschüss
Kamerad! |
Ich bin unfähig zu beschreiben, was in mir vorging. Ich war tatsächlich
ihr Kamerad. La Grève ist die Schwester von Toulon. Ich war sogar noch
tiefer als sie gestellt. Sie ehrten mich. Ich erzitterte. Ja, ihr Kamerad!
Und nur wenige Tage später, hätte ich ein Schauspiel für sie
sein können. |
Ich blieb am Fenster stehen, unbeweglich, gelähmt, paralysiert.
Als aber die fünf Schnüre begannen sich auf mich zu zu
bewegen, begleitet von Sätzen einer infernalischen Herzlichkeit,
als ich den tumultartigen Lärm ihrer Ketten , ihres Geschreis,
ihrer Schritte hörte, nahe der Mauer hörte, erschien es
mir, als ob eine Wolke von Dämonen in meine Zelle eindringen
würde. Ich stieß einen Schrei aus, warf mich, mit einer
Gewalt, die sie hätte bersten lassen müssen, gegen die
Tür. Aber es gab keine Möglichkeit zu flüchten. |
Die
Riegel waren von außen zugeschoben. Ich klopfte, rief wütend.
Dann erschien es mir, die grauenhaften Stimmen der Sträflinge
noch näher zu hören, ich glaubte zu sehen, wie ihre hässlichen
Köpfe oberhalb meines Fensters auftauchten. Ich stieß einen
zweiten Angstschrei aus, und fiel in Ohnmacht.
|
|