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VI
Je me suis dit : -Puisque j'ai le moyen d'écrire, pourquoi
ne le ferais-je pas? Mais quoi écrire? Pris entre quatre
murailles de pierre nue et froide, sans liberté pour mes
pas, sans horizon pour mes yeux, pour unique distraction machinalement
occupé tout le jour à suivre la marche lente de ce
carré blanchâtre que le judas de ma porte découpe
vis-à-vis sur le mur sombre, et, comme je le disais tout à l'heure,
seul à seul avec une idée, une idée de crime
et de châtiment, de meurtre et de mort! Est-ce que je puis
avoir quelque chose à dire, moi qui n'ai plus rien à faire dans ce monde? Et que trouverai-je dans ce cerveau flétri
et vide qui vaille la peine d'être écrit? |
Pourquoi
non? Si tout, autour de moi, est monotone et décoloré,
n'y a-t-il pas en moi une tempête, une lutte, une tragédie? Cette idée fixe qui me possède ne se présente-t-elle
pas à moi à chaque heure, à chaque instant,
sous une nouvelle forme, toujours plus hideuse et plus ensanglantée à mesure
que le terme approche? Pourquoi n'essaieraisje pas de me dire à moi-même
tout ce que j'éprouve de violent et d'inconnu dans la situation
abandonnée où me voilà? |
Certes, la matière
est riche ; et, si abrégée que soit ma vie, il y
aura bien encore dans les angoisses, dans les terreurs, dans les
tortures qui la rempliront, de cette heure à la dernière,
de quoi user cette plume et tarir cet encrier. -D'ailleurs, ces
angoisses, le seul moyen d'en moins souffrir, c'est de les observer,
et les peindre m'en distraira.
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Et puis, ce que j'écrirai ainsi ne sera peut-être
pas inutile. Ce journal de mes souffrances, heure par heure, minute
par minute, supplice par supplice, si j'ai la force de le mener
jusqu'au moment où il me sera physiquement impossible de
continuer, cette histoire, nécessairement inachevée,
mais aussi complète que possible, de mes sensations, ne
portera-t-elle point avec elle un grand et profond enseignement?
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N'y aura-t-il pas dans ce procès-verbal de la pensée
agonisante, dans cette progression toujours croissante de douleurs,
dans cette espèce d'autopsie intellectuelle d'un condamné,
plus d'une leçon pour ceux qui condamnent? Peut-être
cette lecture leur rendra-t-elle la main moins légère,
quand il s'agira quelque autre fois de jeter une tête qui
pense, une tête d'homme, dans ce qu'ils appellent la balance
de la justice? Peut-être n'ont-ils jamais réfléchi,
les malheureux, à cette lente succession de tortures que
renferme la formule expéditive d'un arrêt de mort?
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Se sont-ils jamais seulement arrêtés à cette
idée poignante que dans l'homme qu'ils retranchent il y a une intelligence,
une intelligence qui avait compté sur la vie, une âme
qui ne s'est point disposée pour la mort? Non.
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Ils ne voient
dans tout cela que la chute verticale d'un couteau triangulaire,
et pensent sans doute que, pour le condamné, il n'y a rien
avant, rien après.
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Ces feuilles les détromperont. Publiées peut-être
un jour, elles arrêteront quelques moments leur esprit sur
les souffrances de l'esprit ; car ce sont celles-là qu'ils
ne soupçonnent pas. Ils sont triomphants de pouvoir tuer
sans presque faire souffrir le corps. Eh! c'est bien de cela qu'il
s'agit! Qu'est-ce que la douleur physique près de la douleur
morale! |
Horreur et pitié, des lois faites ainsi! Un jour
viendra, et peut-être ces mémoires, derniers confidents
d'un misérable, y aurontils contribué...
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À moins qu'après ma mort le vent ne joue dans le
préau avec ces morceaux de papier souillés de boue,
ou qu'ils n'aillent pourrir à la pluie, collés en étoiles à la
vitre cassée d'un guichetier.
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VI
Ich sagte mir:
Wenn ich schon die Möglichkeit zu schreiben habe, warum sollte
ich es nicht tun? Aber Schreiben über was? Gefangen zwischen
vier Mauern aus nacktem und kaltem Stein, meine Schritte begrenzt,
ohne Horizont für meine Augen, wenn die einzige Zerstreuung
darin besteht, der langsamen Gang des weißlichen Vierecks zu
folgen, welches das Guckloch meiner Tür aus der gegenüberliegenden
dunklen Mauer herausgeschnitten hat, ganz allein mit einer Vorstellung,
einer Vorstellung von Verbrechen und Strafe, von Mord und Tod! Kann
es da etwas geben, was ich zu sagen hätte, ich, der nichts mehr
zu tun hat auf dieser Welt? Und was werde ich finden in diesem vertrocknetem
und leeren Gehirn, was es wert wäre, aufgeschrieben zu werden?
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Warum nicht? Auch wenn alles um mich herum monoton und farblos
ist, gibt es nicht in mir ein Gewitter, einen Kampf, eine Tragödie?
Diese fixe Vorstellung die mich beherrscht, taucht sie nicht
jede Stunde wieder auf, jeden Moment, in einer anderen Form, immer
hässlicher und blutiger je mehr sich das Ende nähert?
Warum sollte ich nicht versuchen, alles was ich an Gewalt und Unbekanntem
in der aussichtlosen Situation in der ich mich befinde mir selbst
zu erzählen?
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Sicher, die Materie hat viele Formen und wie
kurz mein Leben auch sein mag, wird es doch in den Angstzuständen,
den Schrecken, den Qualen welche es anfüllen, von dieser Stunde
bis zur letzten, für was man diese Feder nutzen kann und dieses
Tintenfass leeren kann. Und abgesehen davon, ist die einzige Möglichkeit,
weniger unter diesen Angstzuständen zu leiden, sie zu beobachten
und sie beschreiben, wird mich zerstreuen. |
Weiter wird das, was ich hier niederschreibe, vielleicht nicht
ganz nutzlos sein. Dieses Tagebuch meiner Leiden, Stunde für
Stunde, Minute für Minute, Qual auf Qual, wird, wenn ich die
Kraft habe solange fortzufahren bis es physisch unmöglich
ist , diese Geschichte meiner Eindrücke, zwar, dies ergibt
sich aus der Natur der Sache, unvollendet, aber so komplett wie
möglich, es nicht eine tiefe Lehre beinhalten?
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Wird es in
diesem Protokoll der im Sterben liegenden Gedanken, in dieser ständigen
Steigerung der Schmerzen, in dieser Autopsie des Intellektes eines
Verurteilten, nicht mehr als eine Lehre für die geben, die
verurteilen? Vielleicht wird die Lektüre ihre Hand weniger
leicht werden lassen, wenn es wieder an der Zeit ist, einen Kopf
der denkt, den Kopf eines Menschen, in die sogenannte Waagschale
der Gerechtigkeit zu werfen? Vielleicht haben Sie, die Unglücklichen,
noch nie über die langsame Abfolge an Qualen nachgedacht,
die das endgültige Todesurteil zwangläufig zur Folge
hat?
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Vielleicht waren sie noch nie von der schrecklichen Vorstellung
ergriffen, dass es sich bei dem Menschen, den sie in Stücke
schneiden, um ein intelligentes Wesen handelt.
Ein intelligentes Wesen, dass dami t rechnete zu leben, eine Seele,
die auf den Tod nicht vorbereitet war? Nein.
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Sie sehen in all dem nichts anderes als der vertikale Fall eines
dreieckigen Messers und denken, dass es für den Verurteilten
vorher und nachher nichts gibt.
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Diese Blätter werden aufklären. Wenn sie eines Tages
publiziert werden, werden sie vielleicht ihren Geist auf die Leiden
des Geistes lenken, weil es gerade diese sind, über die sie
nichts wissen. Sie triumphieren, weil sie töten können,
fast ohne dass der Körper leidet. Denn das ist, worum es sich
handelt! Was ist schon der körperliche Schmerz im Vergleich
zu den Schmerzen des Geistes!
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Schrecken und Erbarmen, dies sind die Gesetze! Es wird der Tag
kommen und diese Memoiren, die letzten Vertrauten eines Elenden,
werden dazu beigetragen haben…
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Zumindest wenn nach meinem Tod nicht der Wind im Hof mit den Fetzen
des verschmutzten Papier spielt oder der Regen sie nicht verfaulen
lässt, als Sterne an das zerbrochene Glas eines Schalters
geklebt. |
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